En décembre 1984, Satô Mitsuo entreprend le tournage d’un documentaire décrivant la vie des travailleurs journaliers, frange la plus précaire des travailleurs au Japon, dans le quartier de San’ya à Tokyo. Le 22 décembre, il est brutalement assassiné par un membre d’un clan yakuza affilié à l’extrême droite qui contrôle le marché des journaliers. Yamaoka Kyôichi, leader du mouvement ouvrier du quartier, prend en charge l’achèvement du film. Il sera lui aussi assassiné le 13 janvier 1986. Ce film raconte l’autogestion des travailleurs et leur lutte contre l’extrême droite.

« Il faudra deux ans pour réaliser ce film. Pendant cette période, nous resterons dans le yoseba [quartier pauvre des travailleurs], en vivant du travail journalier comme vous le faites. Nous n’avons pas l’intention de vous filmer avec un regard condescendant. […] En m’impliquant dans ce projet, je veux me laver de toute la saleté que j’ai accumulée sur moi en tant que cinéaste au cours de ces quinze dernières années. Et j’espère bien renaître. Mais en même temps, je trouve cela un peu honteux de réaliser le film et de ne pas me battre directement avec les flics et les mafieux d’extrême droite. Après tout, nous sommes pour vous des étrangers et des monstres : néanmoins, notre retrait en tant que cinéastes de la ligne de front de San’ya équivaudrait à une défaite pour vous et pour nous […] Le film se distingue nettement de ceux produits par les médias bourgeois – que nous accusons d’être les complices des capitalistes – dans la mesure où ce documentaire doit servir à les empêcher de se payer notre tête. »

Satô Mitsuo, Appel aux travailleurs de San’ya (extrait)

Séance présentée par Dimitri Ianni, critique et programmateur