Sarah Maldoror, la poésie et la négritude
Hommage — présenté par Annouchka de Andrade
Sarah Maldoror a choisi le cinéma pour faire connaître la culture noire et ses auteurs. « Nous sommes responsables, personne d’autre n’est à blâmer. C’est à nous de raconter nos propres histoires » disait-elle. Aux mots de Mao Zedong, qu’elle nous répétait enfants, « il faut se suffire à soi-même », j’aimerais ajouter « ne vous plaignez jamais, relevez-vous et avancez ».
Elle aura réalisé quarante-deux films, écrit plus d’une quarantaine de projets. Elle s’est donc construite peu à peu à travers la littérature, tout d’abord découverte à la librairie Présence africaine et auprès des hommes et femmes qu’elle a côtoyés tout au long de sa vie. En 1956, Sarah Maldoror crée la première troupe de théâtre noir, les Griots, avec Toto Bissainthe, Samb Abambacar et Timoty Bassori. Leur souhait était de pouvoir interpréter de grands rôles dont ils étaient exclus, et de faire découvrir les auteurs du monde noir. Le désir de partager les œuvres et leur transmission ne quitteront jamais Sarah.
Si elle décide en 1961 de partir étudier le cinéma à Moscou, c’est pour pouvoir partager avec le plus grand nombre, et notamment en Afrique, d’autres histoires. Installée en France, il lui faut affronter un autre aspect de son métissage : de cultures française, antillaise, africaine et femme, elle doit se battre sur tous les fronts et contre tous les préjugés.
Avec Aimé Césaire, Sarah Maldoror a réalisé cinq films avec ou sur le poète et homme politique martiniquais. Elle y mêle tout autant l’homme, le poète et le politicien qui ne font qu’un, et dialogue avec simplicité avec lui. Elle tourne un portrait de Léopold Sédar Senghor mais, à mon sens, le film qu’elle réalise sur le poète guyanais Léon G. Damas est celui dans lequel elle s’est tout autorisée et a plongé au cœur de la poésie, filmant les visages, les arbres et les fleuves Moroni et la Seine pour donner corps aux vers du plus poète des trois fondateurs du mouvement de la négritude. Elle a offert à ces poètes un espace où les paysages rencontrent la sensualité et le rythme du verbe.
Sarah Maldoror aurait aimé partager ces moments de rencontres avec vous, susciter votre curiosité, et vous dire combien aller au cinéma, lire de la poésie, est essentiel, et toujours, toujours croire en vos rêves. Puissiez-vous rêver en découvrant ses films.
Annouchka de Andrade, fille de Sarah Maldoror et de Mário Pinto de Andrade
jeudi 3 février 18:30 ‑ musée d’art et d’histoire Paul-Éluard de Saint-Denis
Visite guidée de l’exposition Sarah Maldoror, une cinéaste de poésie et de luttes à Saint-Denis
Le musée d’art et d’histoire Paul-Éluard présente son premier film, Monangambeee (1969), qui dénonce les tortures par l’armée portugaise en Angola, ainsi que Abbaye royale de Saint-Denis (1980), évocation singulière et poétique des sculptures du célèbre édifice.
Ces films sont accompagnés de documents et d’œuvres inédits qui présentent son parcours international et ses liens avec la ville de Saint-Denis, et dévoilent l’univers poético-politique d’une femme qui a marqué de son œuvre son époque. Des photographies de la lutte anticoloniale en Angola, réalisées par la journaliste Augusta Conchiglia et figurant dans Monangambeee, sont exceptionnellement présentées.
Musée d’art et d’histoire Paul-Éluard, 22 bis rue Gabriel-Péri, 93200 Saint-Denis
45 minutes / 5 euros